lundi 1 mars 2010

UN NOUVEAU DEFI


"I believe that the 55 was a blessing and curse"

Décroché dans la course pour un trophée de Rookie de l’année promis à Tyreke Evans, Brandon Jennings voit ses statistiques descendre en flèche au fil des mois au point de n’afficher en février que 10,7 maigres points à un pathétique 30,7% aux tirs. Les vestes se retournent alors de toutes parts pour enterrer le prodige trop vite adoubé, mais je refuse de suivre ces attaques trop simples vers un joueur qui reste un des piliers d'une équipe des Bucks en pleine bourre.

Il est vrai qu’on a sans doute accordé trop vite à Jennings un statut qu’il n’était pas près à supporter. Mais pour moi qui le sentais bien avant même la draft, le voir à un tel niveau dès son premier mois (22,1 points et 5,6 passes) m’avait étonné au point de le voir comme un candidat légitime pour une place de remplaçant au all-star game. Seule chose qui me dérangeait dans ces chiffres, le fait qu’il n’ait jamais dépassé la barre des 10 assists. Pour un pass-first point guard, réussir à cracker 55 points mais pas 10 passes, c’est quand même un peu cheulou. Pourtant, le record de points de cette saison qu’il avait réalisé contre Golden State n’avait rien d’une performance de soliste, Brandon avait pris les shoots qui s’offraient à lui, et les avait rentrés, point final.

Seulement, depuis cet incroyable mois de novembre, Jennings n’a pas été capable d’atteindre plus de 40% aux tirs sur un mois entier. Une misère. Son shoot qui semait le doute avant la draft le rattrape et Hollywood ne rentre quasiment plus rien. Les défenses qui se resserraient sur lui auparavant s’écartent maintenant, car son tir ne fait plus peur à personne. A la manière d’un Rajon Rondo qu’on peut se permettre de laisser seul à mi-distance ou à 3 points, le fait d’offrir à Jennings de l’espace pour shooter est devenu une forme de défense efficace.

En effet, le jeune Buck n’a pas changé son jeu. Si un shoot ouvert se présente, il va le prendre, ce qui n’est pas un mauvais choix en soi - du moins quand on le rentre. La vision du jeu de Jennings est toujours aussi exceptionnelle, pas de doute là-dessus, mais ses carences techniques l’empêchent à présent de la mettre en exergue. C’est de là que vient le problème majeur qui coûte au rookie son formidable début de saison dans l’esprit de bon nombre d’observateurs, il n’a pas su adapter son jeu à la baisse de constance de son shoot. A-t-il pour autant été surcoté ? Bien sur que non.

Car Jennings, malgré sa maldresse récurrente, reste une valeur sure au poste de meneur, et un joueur aussi alerte aux déplacements des joueurs que rapide balle en main. Scott Skiles doit faire prendre conscience à son joueur que c’est à présent en attaquant le cercle qu’il doit aller chercher ses points, chose qu’il aurait du avoir compris depuis déjà bien longtemps. Hollywood n’est jamais aussi efficace que quand il drive. Se servir uniquement de son shoot mi et longue distance est une erreur compte tenu de ses qualités en pénétration et de ses lacunes techniques. Un shooteur comme Ray Allen doit continuer à prendre des tirs même s’ils ne rentrent pas, et ce jusqu’à ce qu’ils finissent par faire crisser le filet à nouveau, mais un meneur doit savoir s’adapter à la faillite de son shoot ou d’un autre secteur de son jeu.

Jennings commence peu à peu à le comprendre. Il a tenté 166 shoots sur ses 14 matches de février, contre 269 en novembre pour le même nombre de parties, et 225 en 15 sorties pour le mois de janvier. Et dans le jeu, on peut voir qu’il tente davantage de créer pour les autres, même si cela ne ressort pas forcément dans ses lignes de stats. Jennings s’efface plus en attaque, mais utilise le ballon plus judicieusement en trouvant souvent des coéquipiers démarqués. L’arrivée d’un Salmons en forme et la montée en puissance de Stackhouse lui enlèvent des responsabilités au scoring, ce qu’aurait du lui permettre le retour de Michael Redd.

Le meneur des Bucks se fait à ce nouveau rôle qui est devenu le sien. En shootant moins, en passant plus, en jouant moins aussi. On sent tout de même que le garçon peut faire beaucoup mieux. Parce qu’il n’a enregistré que deux double-doubles points/passes en 59 matches. Parce que sa vision du jeu ne ressort pas assez dans ce qu'il montre sur le parquet. Parce qu’il n’est jamais aussi bon que quand il monte au cercle. Parce qu’il a montré qu’il savait shooter. Parce que l’axe meneur-pivot qu’il forme avec Bogut fait saliver. Tout simplement parce que son potentiel saute aux yeux et qu’il est évident qu’il n’est ni un joueur qui doit marquer plus de 20 points chaque soir, ni rater les deux tiers de ses shoots. Jennings est là pour créer, pour lui et pour les autres.

Alors non, on n’a pas surcoté Jennings. Sa capacité à scorer a été trop tôt en surrégime, beaucoup en ont alors fait une sorte de nouveau Iverson, et il a du s’adapter tout comme les Bucks à cette image erronée qu’on a pu avoir de son jeu. Un nouveau défi se présente maintenant qu’on ne croit plus en lui : utiliser ses qualités techniques au lieu de tenter de masquer ses défauts. Il a un mauvais shoot. Il est injouable en un-contre-un, il a un très bon jeu de passe. L’évidence est qu’il doit garder davantage le ballon pour créer des décalages au lieu de le laisser aux scoreurs et chercher un shoot ouvert. Un meneur doit savoir évoluer dans son rôle, et après tout, Jennings n’était-il pas avant la draft un joueur dont on attendait qu’il mûrisse au fil de ses années NBA ?

Tyreke Evans sera Rookie of the Year. Il est très bon, et c’est un finisseur incroyable. Pourtant, j’ose croire que Jennings sera bien meilleur que lui dans quelques années. Le meneur des Bucks est un prospect, que Scott Skiles va devoir orienter vers le rôle qui conviendra le plus à ses qualités, pendant qu’on l’aidera à combler ses lacunes techniques et Jennings est trop doué pour continuer dans la voie qu’il a suivi jusqu’à présent, shooter dès que l’occasion se présente. Ça a pu fonctionner un temps avant de capoter, mais ce n’est pas parce qu’il ne rentre plus les shoots qu’il rentrait en novembre qu’il ne les rentrera pas plus tard. Seulement, pour le moment il va falloir les laisser de côté. On ne parle pas là de mauvaise sélection de shoots, mais de défaillance du tir. Rien à voir donc avec la vision du jeu du joueur. Alors pas la peine de lui baver dessus, Jennings sera bien un prodige. Mais pas tout de suite. Et puis après tout, marquer autant que Vince Carter et passer autant que Chauncey Billups, c’est plutôt pas mal pour un rookie qu’on dit décevant.

2 commentaires:

  1. C'est clair qu'il s'est éteint avec le temps, mais il est encore plus clair que ce petit bonhomme a du talent à revendre. Comme on en avait déjà parlé, le scoring de Michael Redd devait l'aider mais c'est au final celui quelque peu différent de John Salmons qui peut l'aider sur les deux prochaines années. La belle progression constante de Andrew Bogut va aussi apporter pas mal à notre ami meneur pour jouer un basket très intéressant : en effet, quel jeune meneur à cette chance d'évoluer avec un pivot qui tourne à plus de 15 points et 10 rebonds ? Il est le seul, et c'est une belle opportunité pour lui surtout si l'on considère que son coach Scott Skiles a évolué aux côtés d'un certain Shaquille O. ...
    Milwaukee le sait, et c'est avec ces deux joueurs évoluant à des postes essentiels qu'il va appuyer sa campagne de recrutement en 2011 : avec de la place pour un max salaire et juste après le nouveau CBA, Milwaukee sera une des équipes qui aura du gros à offrir. Qui nous dit que des gars comme Zach Randolph ou David West ne pourraient pas être intéressés de jouer avec un meneur de la trempe de Jennings ?
    Bref, un très bel avenir s'annonce pour Jennings, mais comme tu le dis, ça ne dépendra que de sa capacité à s'adapter au jeu des joueurs qui l'entourent et à la défense qu'il aura en face.

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  2. Les idiots qui le comparaient à Iverson sont les mêmes qui lui tournent le dos actuellement. Je crois que John Hollinger d'ESPN a bien exprimé la situation de Jennings à l'occasion d'un chat du 25 février:

    Lee (Boston): Brandon Jennings - rookie wall or returning to the mean?

    John Hollinger: The latter. Also, one thing we should point out about Jennings as compared to Evans and Curry -- he's the only who's being held accountable on D, asked to get other players involved and manage a game, and generally do the things that PGs on winning teams have to do. Look, Evans is going to win ROY and Curry will likely come in second, and both are tremendous talents ... but right now Jennings is the only one who's actually learning how to play.


    C'est pour ça que dans le duel qu'il mène avec Tyreke Evans dans la tête de la plupart des gens, je donne encore beaucoup de crédits à l'ancien de la Roma. Je pense qu'Evans est meilleur actuellement parce que c'est déjà un joueur confirmé mais dans le fond, Jennings est plus prometteur.

    Le T-Rex des Kings est ultra-performant pour aller au panier et scorer, mais pour l'instant c'est plus ou moins le seul rôle qu'il peut avoir (et dans lequel il est parfait). Alors que Jennings même s'il est actuellement moins performant (et donc moins bon), il montre un début de savoir-faire dans l'ensemble des compétences de meneur et ce n'est pas rien. Même si son influence est loin d'être aussi grande que celles des Steve Nash, et autres Deron Williams, c'est un chemin qui mène à ce genre de joueur qu'il a pris.

    Comme tu le dis, ce qu'il manque à Jennings, ce n'est pas forcément une meilleure sélection de shoot, mais de l'efficacité. Il arrive très bien à se trouver des bonnes positions et il les prends, sauf que ça ne rentre pas aussi souvent que ça le devrait. Mais quand ça sera le cas, ça fera mal.

    Un autre truc qui fait chuter son pourcentage, c'est son physique poids plume. Lorsqu'il attaque le cercle, il ne garde que difficilement son intégrité dans les contacts et donc forcément, son lay-up est altéré (c'est pour ça que j'aime bien ses tentatives de floaters et pull-up jump shot aux abords de la raquette, même si ça ne rentre pas encore). De plus, il a un peu du mal à maîtriser sa vitesse lorsqu'il arrive en bout de pénétration, contrairement à Tony Parker par exemple. Qu'il continue de développer floaters et pull-up, qu'il gagne en dureté et en technique dans la finition de ses pénétrations, et on pourra le classer dans les premières places des point guards

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