mardi 21 décembre 2010

DENVER, ANNEE -1


Les semaines ont beau passer, l’avenir de Carmelo Anthony ne semble toujours pas s’éclaircir. S’il est à peu près acquis qu’il portera le maillot des Knicks la saison prochaine, la tunique avec laquelle il terminera l’exercice 2010-2011 n’a pas encore donné sa couleur. Une chose est sure, c’est que les Nuggets version Melo vivent leurs derniers mois de vie commune. Moche quand on se dit que ce désamour émane de doutes de l’ailier quant au potentiel sportif de la franchise, alors que celle-ci propose sur le papier l’équipe la plus forte de l’ère Anthony.

On se replonge un peu en arrière, juste avant l’arrivée du prodige de Syracuse. Rien de bien folichon, si ce n’est que l’équipe est la plus mauvaise attaque de toute la NBA, ainsi que la pire équipe ex-æquo avec les Cavs, leur alter-ego à l’Est. Le meilleur joueur, c’est Juwan Howard, pour ce qui sera une de ses dernières saisons d’un bon niveau, et sa dernière saison tout court avec Denver. En gros, la lose, la vraie. Celle qui te fait encore remercier le bon dieu tous les matins que les Pistons aient choisi Darko Milicic.

Car une fois Melo drafté, les choses vont s’accélérer pour la franchise du Colorado. Andre Miller, dont le contrat avec les Clippers arrive à son terme, signe, ainsi que l’arrière Voshon Lenard, qui marqua dans l’oubli général 14,2 points par match la saison 2004. Saison où le jeune Anthony ramènera les Nuggets en playoffs à la force de ses 21 points - 6 rebonds. Les saisons suivantes verront une montée en puissance de cette équipe, avec l’arrivée de George Karl.

Poussés par le talent de leur star naissante et les excellents schémas offensifs du natif de l’éphémère meneur des Spurs, l’équipe progresse chaque année, jusqu’à remporter la Northwest en 2006. Anthony passe pour la première fois la barre des 45% aux shoots et plante 26 points de moyenne. Ses coéquipiers suivent, avec un Kenyon Martin impliqué en défense, un Andre Miller efficace en gestion, et un Marcus Camby en constante progression statistique aux points, rebonds et contres. Mais malgré ses progrès perpétuels, l’équipe se fait sortir pour la troisième année consécutive au premier tour des playoffs en ayant remporté qu’un seul match.

Alors, comme ne dit pas le proverbe, on change une équipe qui ne gagne pas assez. Après la baston au Garden, Anthony est suspendu 15 matches. L’attaque ne peut pas vivre sans lui. Exit Miller, place à Iverson. Un trade incroyable : Dré, le sympathique meneur gestionnaire, pépère, contre AI, la superstar, la légende. Un joueur à la cool contre une rockstar. Surtout, la création du duo le plus flippant depuis Bryant-O’Neal. Anthony-Iverson, ça vaut quasiment 60 points par match ! Aussi alléchante qu’elle soit, cette association n’aura pas les effets escomptés puisque l’équipe sera rattrapée par ses propres lacunes.

Pour faire un parallèle, les Nuggets version Iverson rappellent beaucoup l’OM de la même période. Porté par la paire d’attaquants Niang-Djibril Cissé, le club peut sortir des matches d’anthologie avec des buts à la pelle, mais reste handicapé par sa défense en papier kraft (Zubar-Erbate, toute une époque) qui si elle lui coûte pas mal de victoires, permet toutefois à Steve Mandanda de briller. Comme… Marcus Camby, élu défenseur de l’année au sein de la 26e défense de la ligue. En gros, l’équipe est bien trop déséquilibrée et peut perdre contre n’importe qui malgré une attaque qui lui permet de se maintenir parmi les premiers.

Pour Denver, c’est la même. Iverson et Anthony cartonnent et sont tous deux élus starters au all-star game 2008. Camby prend de plus en plus de rebonds, contre de plus en plus de tirs. Seuls les Suns peuvent se vanter de marquer plus de points que les Nuggets, qui collent 168 points aux Sonics en mars. Sans prolongation. Les menaces offensives se sont multipliées avec les arrivées de Linas Kleiza et JR Smith. Mais l’équipe est plus bancale que jamais, Anthony Carter, le meneur, n’a pas assez de leadership pour driver tous ces scoreurs, et surtout ses deux superstars qui n’en font qu’à leur tête.

A ce moment, les Nuggets ne progressent plus, n’ont plus d’avenir. Kenyon Martin et Marcus Camby ne défendent plus et se contentent de faire des stats. Anthony refuse d’obéir à son coach, se plante en voiture avec JR. Les défaites au premier tour de playoffs sont devenues une habitude, si bien qu’en 2008, Denver se fait sweeper par les Lakers. « Onze hommes contre onze enfants » dira plus tard Patrick Evra après une victoire de Manchester face au jeune Arsenal. Parfaitement applicable aux hommes de George Karl après cette défaite. Un manque de sérieux, un trop plein de naïveté, et surtout aucune identité, particulièrement d'un point de vue défensif. Yakhouba Diawara déclarera après son départ de Denver qu’Iverson était le seul joueur qui voulait défendre.

L’arrivée d’Iverson, si elle a boosté l’attaque des Nuggets a mis un stop à sa progression. AI est un leader offensif, ce que possédait déjà la franchise du Colorado en la personne de Melo. Pour progresser, elle avait besoin de sérieux, ce qu’en revanche ni le MVP 2001 ni l’ex-Orangeman n’étaient en mesure d’apporter, et que Miller avait emporté avec lui lors de son échange contre AI. Alors on fait machine arrière. Iverson, la superstar, la légende, contre Billups, le meneur gestionnaire, pépère. Un joueur à la cool contre une rockstar. Surtout, et c’est l’enseignement qu’ont su tirer les Nuggets de l’expérience The Answer, le besoin d’un vétéran capable d’insuffler un esprit et une rigueur à une équipe et non d’un deuxième Anthony.

L’arrivée de Billups est une révolution. Fini le foutoir potache, bienvenue la structure où chacun connaît son rôle. Sans Camby, parti aux Clippers, la défense, c’est K-Mart et Andersen. L’ancien Net deviendra cette année là un des tous meilleurs intérieurs en un-contre-un défensif, le Birdman terminera deuxième aux contres. L’attaque, Anthony, toujours, Nene (records de points en carrière) et JR Smith (5e aux nombre de trois points, 2e à l’élection du 6th man). Pour les autres, Dahntay Jones, défense indiv’ de chien la casse, Linas Kleiza, all-around playing et trois points qui font mal.

Une nouvelle identité pour cette équipe, qui devient sous Billups une véritable machine de guerre. Malgré des blessures récurrentes des joueurs-clé, les Nuggets égalent leur meilleur bilan en NBA, finissent deuxième à l’Ouest. Cette saison-là, les joueurs donnent à nouveau le meilleur d’eux-mêmes, comme aux premières années Anthony. La différence, c’est que ce n’est plus grâce à Anthony, mais à Billups. Et Anthony lui-même commence à progresser vers un joueur plus mature et plus efficace au contact de Mr Big Shot.

Cette saison-là, les Nuggets passent le premier tour des playoffs. Puis le deuxième. Anthony augmente son total de points lors des 5 premiers matches face aux Hornets. Face aux Mavs, il marque au buzzer du troisième match avant de planter 41 points deux jours après. A ses côtés, Billups enquille les trois points. A venir, finale de conférence contre les Lakers. Le pallier pour Melo.

Le jeune homme sous la tutelle de Billups va se muer en leader. Un leader qu’il n’était pas lors de ses premières années. Un leader offensif, défensif, et surtout qui donne confiance à ses coéquipiers. Il défend sur Kobe Bryant, attaque face à lui, et montre à son équipe qu’ils peuvent le faire. En fait, ils ne peuvent pas et se font sortir 4-2. Mais Melo est devenu un homme, et un meneur d’hommes. Après une saison à apprendre de Billups, Carmelo Anthony est devenu ce qu’on appelle un MVP.

Et l’équipe qui vient de chatouiller les Lakers semble s’améliorer pendant l’été. Principales pertes à déplorer, Dahntay Jones mais surtout Linas Kleiza. Jones, défenseur athlétique qui joue à l’énergie, remplacé par Arron Afflalo, meilleur défenseur et excellent shooteur à trois points. Amélioration, donc. En revanche, le départ de Kleiza qui était une bonne option en sortie de banc va être compensé par l’arrivée de Graham, bien moins bon et bien moins clutch. Dernier ajout majeur, et pas des moindres, Ty Lawson. Back-up parfait pour Billups, un potentiel de starter en quelques années.

Après une saison plus ou moins similaire à la précédente, les Nuggets se font sortir au premier tour par Utah, la faute à une raquette minée par les blessures. Anthony s’est mué en tueur froid qui assassine au buzzer sans faire de sentiments. Mr Big Shot s’est peu à peu mis de côté pour laisser place à ce nouveau roi du clutch time. En revanche, l’équipe où chacun connaît maintenant son rôle ne semble plus progresser, la faute à un potentiel achevé ou à une incapacité de Carmelo à en tirer le meilleur ?

L’intéressé penchera bien sur pour la première solution, d’où son envie de partir pour retrouver le goût d’une finale. Il est vrai que JR Smith devient une caricature de lui-même, et que les sessions pyromanes derrière l’arc se font moins nombreuses. Il est vrai la vue de Billups semble baisser, au vu de ses pourcentages. Il est vrai que Kenyon Martin est de moins en moins solide. Sans doute ces joueurs-ci ont atteint un seuil qu’il sera dur à dépasser –JR c’est pas pareil, c’est parce qu’il a la flemme de faire autre chose. Mais Nene, Lawson, Afflalo et même Shelden Williams ont encore de belles choses à montrer. Et en plus d’eux, Mark Warkentien offre un dernier cadeau avant de laisser sa place à Masai Ujiri comme GM : Al Harrington à 33 millions sur 5 ans. Bon plan quand on sait que l’intéressé pesait plus de 17 points l’année précédente. En gros, sur le papier on a la plus forte équipe depuis que Carmelo a posé ses valises dans le Colorado.

Pourtant, l’enfant de New York a choisi d’enlever ses baskets du vestiaire du Pepsi Center. A priori pour rejoindre les Knicks donc. Là encore se pose un autre problème pour Denver : le laisser partir contre rien du tout serait une erreur sur le long terme. Mais comme le dit StillBallin, une dernière aventure avec Melo n’en vaut-elle pas le prix ? Surtout quand on sait ce que vaut cette équipe.

En fait, il se peut que les Knicks aient le dernier mot dans cette histoire. L’équipe tente plus Melo que celle des Nets, et sa nana veut croquer la grosse pomme. Seulement, ils savent qu’ils peuvent récupérer le all-star sans contrepartie à la fin de la saison, et n’ont aucun intérêt à saborder leur effectif. Pas sur que leur cible soit de cet avis : s’il n’est pas tradé à New York, l’hypothétique contrat qu’il signerait avec eux cet été serait probablement revu à la baisse par les nouveaux accords salariaux. Si les Knicks ne lui garantissent pas un salaire équivalent à celui qu’il pourrait toucher via un sign-and-trade, ce manque d’intérêt pour lui peut le pousser à choisir une autre équipe.

Prudence donc pour l’équipe de Donnie Walsh qui va devoir se montrer très diplomate. Car si Melo se retrouve tradé par exemple aux Nets, même sans prolongation de contrat, rien n’interdit qu’il s’y plaise et y prolonge. Encore plus s’il voit que les Knicks n’ont pas fait d’effort pour s’y opposer. En fait, l’idéal pour la franchise de New York serait qu’Anthony soit tradé vers une franchise où il n’aurait que très peu de chance de rester (Philly, Charlotte) afin de le récupérer sans contrepartie.

Pour Denver en revanche, il semble acquis que le futur de leur star s’écrit loin des montagnes rocheuses. On ne peut pas les blâmer pour ça, étant donné le mal qu’ils se sont donné pour construire autour de celui qui est devenu un homme au sein de leur franchise. La meilleure équipe qu’Anthony a eu est celle qui est actuellement en place. Il est donc clair que les motivations de leur poulain ne dépendent plus d’eux. A eux de choisir la solution qui sera la meilleure pour eux, tant que les Knicks n’ont pas toutes les cartes en main.

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